Georges OngaroGeorges Ongaro

   Georges Ongaro

J'ai découvert " G.O." au détour de ses récits dans les pages sport du "Dauphiné Libéré". Mon regard est désormais rapidement aimanté par ces deux lettres, tant Georges, au travers de ses sujets, sur la course à pied notamment, a l'art de pointer de sa plume la poésie des lieux et des situations, contribuant ainsi à débarrasser ce sport de son apparente austérité. Sollicité par son "fan-club", ce grand marcheur nous emmène, au travers d'un délicieux récit, sur les chemins de St.-Jacques. (G.C.)

 

Chemin faisant...

 

Tout pèlerin quittant le bassin frontalier pour se lancer dans la grande aventure menant à Santiago de Compostelle a pu le constater : la rupture paysagère n'est pas brutale. Longtemps, très longtemps, l'agglomération genevoise demeure en toile de fond, donnant ainsi à l'intrépide marcheur, déjà freiné par le port d'un sac toujours trop pesant, l'impression de tourner quelque peu en rond !

 

Mais comme tout pénitent en quête de souffrance, il attend stoïquement le franchissement du col du mont Sion, afin de tourner définitivement la page lémanique. Laquelle s'accroche encore au décor, dans la montée vers le plateau des Sons, ne consentant enfin à disparaître que lors de la plongée sur Charly.

 

Le riant Salève n'est plus qu'un souvenir : place à l'ombrageuse montagne du Vuache !

 

Accueil jacquaire…

 

En vérité, c'est au niveau de la maison d'Emilienne Cusin, recevant les premiers sinistrés du long périple, que la transition s'opère ; comme si, après vingt cinq bornes à peine, le voyageur avait déjà atteint le point de non-retour. Il était parti à l'aube, le fier citadin au pied léger ; le voilà désormais fourbu et crotté, mendiant son gîte à l'hôtesse des lieux, gente dame s'efforçant de cacher un cœur en or sous une apparence bourrue.

 

Inconscient bipède qui ne sait pas encore qu'en traversant la ligne de partage des eaux entre l'Aire et les Usses, il vient de basculer dans un microcosme quasiment surréaliste, à l'image de la virtuelle commune d'Andilly composée de trois hameaux, quant à eux bien réels. Un versant magique d'où

émergent cinq ou six clochers, veillant autant sur les âmes pieuses que les consciences impies…

 

Joutes épiques…

 

Pourtant, l'attelage de rennes entraperçu au droit de la maison du Père Noël, définitivement basée à Saint-Blaise, aurait dû éveiller l'imagination du visiteur, avant l'enseigne "La Clef des Champs" qu'il a cru lire à la mode médiévale. Et que penser des paroissiens rencontrés, les uns évoquant le petit pays, les autres vantant le parc des légendes ou le jardin du curé, sinon qu'ils habitaient une bien étrange contrée ?

 

Plus tard, à l'heure de partager les brouet et salmigondis de circonstance avec un appétit de lèche-poêle, le convive d'un soir apprendra encore qu'à l'entour de la Sainte Blandine, les fantômes des chevaliers des lieux resurgissent dans la cuvette des Moulins au sein d'un cortège mêlant gueux et bourgeois, ménestrels et artisans, tous esbaudis par ces réjouissances printanières.

 

Copponex ou Pampelune ?

 

La nuit venue, notre jacquet en oubliera l'interminable chemin qui l'emmènera, 1800 kilomètres plus loin, vers les reliques de Saint-Jacques, à travers l'Aubrac, les Pyrénées, la Meseta et autres reliefs de la Galice. Puis sous les couvertures, il s'interrogera : faut-il vraiment aller si loin à la recherche de l'insolite, alors que tout reste à découvrir ici, pratiquement sur le pas de la porte ?

 

A ce niveau, la logique vacillera sur ses bases cartésiennes : l'esprit rêvait des vitraux de la cathédrale de Burgos, mais la raison voudrait que la halte s'éternise sur les coteaux bucoliques dominant Cernex. Courte hésitation puisque l'émule d'Aymeri Picaud reprendra son bourdon dans le petit matin blême, Montaigne lui ayant susurré au cours de son sommeil : "C'est aux croyants une occasion de croire, que de rencontrer une chose incroyable !"

Georges Ongaro

Le village de Cernex

 
       
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Chardons Infos N° 62 printemps 2008

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