Chardons Infos 70

Printemps  2012

 

 

 

  La Chronique a la Morille

 

À l’heure où je viens d’acheter mon permis de pêche, et où le noble champignon printanier fait son apparition sous les frênes de nos campagnes, je prends tout de même la peine de consacrer un peu de temps à notre journal biannuel : Quel effort, en cette période! Pour ne pas trop m’éloigner de mes occupations habituelles de saison, j’ai choisi de traiter d’un sujet en adéquation avec mon environnement préféré, la nature. Le chardon, emblème de notre club, s’inscrit également dans ce thème.


En ces temps de crise économique, j’ai noté que l’écologie avait tendance à être reléguée au second plan. Enjeu majeur des dernières élections présidentielles, les considérations environnementales sont aujourd’hui totalement absentes des débats et de la course à l‘Elysée. Pourtant les idées vertes ont fait leur chemin depuis plusieurs années et s’inscrivent de plus en plus dans les mentalités. Même les clubs de foot professionnels commencent à adopter certaines mesures de développement durable. Ainsi, l’ASSE (les Verts! Ça ne s’invente pas!) est l’un des premiers clubs européens et de Ligue 1 à avoir mis en place en interne une démarche réellement environnementale. Il s’engage par exemple à réduire et à compenser chaque saison les émissions de CO2 générés par les déplacements de son équipe professionnelle. Beaucoup d’actions de sensibilisation sont également menées auprès des plus jeunes comme des adultes (incitation au covoiturage pour se rendre au stade, à utiliser des moyens de transport en commun). Les rénovations du stade Geoffroy Guichard ont été conduites suivant une démarche «Haute Qualité Environnementale». Ainsi, 2600 m² de panneaux solaires ont été installés par Saint-Etienne Métropole sur une partie de la toiture. Enfin, un bassin autonome de rétention d’eau alimente l’arrosage des pelouses du centre.


Ce dernier point retient particulièrement mon attention, car j’ai l’intime conviction que dans un futur plus ou moins proche, l’élément liquide qui nous est si essentiel au quotidien deviendra une ressource très rare et très coûteuse. Sans tomber totalement dans la science-fiction, il m’est aisé d’imaginer un monde où l’eau vaudrait plus que de l’or et où les nations entreraient en conflit non pour des frontières ou des intérêts économiques et religieux, mais bien pour de l’eau potable. Certes, nous vivons sur la planète bleue, mais le restera-t-elle encore longtemps? La pollution est de plus en plus importante dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, dont le débit a cruellement baissé ces dernières décennies (tous les pêcheurs vous le diront)! C’est pourquoi la sensibilisation est à mes yeux primordiale dans tous les milieux, celui du foot compris! Être raisonnable et éviter les excès me semble la ligne de conduite la plus adaptée. Pour ce qui est du football, l’adoption du terrain synthétique pourrait contribuer à cet effort écologique grâce au long cycle de vie de ce matériau, qui par ailleurs consomme 63 fois moins d’eau qu’une pelouse naturelle. Si l’installation d’un tel dispositif a un coût, les économies d’eau et d’énergie sont considérables, le terrain en pelouse synthétique présentant en outre l’avantage d’être praticable été comme hiver. Les clubs de Lorient, Nancy et Châteauroux ont déjà adopté ce type de gazon. Et pourtant, en tant que footballeur pratiquant, je comprends les réticences de certains (dont je fais partie) et j‘entends bien leur argument principal : il est tout de même bien plus agréable de jouer au ballon sur de l’herbe que sur du plastique! Peut-être pourrait-on déjà commencer par adopter des mesures sensées, comme l’interdiction de chauffer les pelouses avant les matchs, procédé qui m’apparaît comme une aberration économique et écologique malheureusement fréquente en Europe.


Néanmoins, le monde du football professionnel commence à faire des efforts au niveau environnemental, et il me semble important de citer des exemples. Depuis mai 2011, le stade Old Trafford de Manchester United est alimenté par 52 éoliennes à l’initiative de Sustainability in Sport, entité fondée par Gary Neville et Dale Vince et visant à convertir le foot et autres sports au développement durable. En France, en Allemagne et en Angleterre, les grands stades découvrent les pratiques écologiques : toits végétalisés, récupération d’eau de pluie, retraitements des déchets… Manchester United produit sa propre énergie (solaire) et fait recycler 8 millions de déchets (canettes, bouteilles,…) en volets ou en meubles. En France, le Club de Grenoble a installé 1000m² de panneaux solaires photovoltaïques sur les toitures de son stade.


Des mesures encourageantes donc, mais encore embryonnaires face à l’inconscience écologique de certaines personnalités du monde du football professionnel! Ainsi, en fouillant sur internet, j’ai découvert une ou deux pépites, parfois vraiment déplacées : Jean-Michel Aulas, le président lyonnais, interrogé au sujet des panneaux photovoltaïques du stade de Saint-Etienne, aurait déclaré : «Si être écologique, c’est se chauffer au charbon et ne se déplacer qu’en bus au colza parce qu’on ne sort jamais de France, laissez-moi rire. Et le stade des lumières, vous croyez peut-être que je vais l’éclairer à la bougie?». La réplique de son homologue stéphanois Roland Romeyer ne s’est pas fait attendre. Il a estimé que l’OL «abusait effectivement des énergies fossiles, avec un défenseur comme Cris».


Autre exemple, Djibril Cissé posséderait selon Greenpeace une flotte automobile impressionnante (notamment de Hummers), dont le bilan carbone annuel serait celui d’un Airbus A320. Le joueur n’a même pas compris la question du journaliste qui l’interviewait sur son «bilan carbone» : «Je ne suis pas carbonisé, mes bilans sont excellents.» !


Certes, le foot, avec ses bad boys incultes et aux salaires indécents, roulant en Ferrari, n’est pas toujours un exemple de l’élévation humaine. Pourtant, nombreux sont les amoureux du foot qui veulent changer les choses. Et le foot en a les moyens : avec sa puissance de communication incomparable (comme le Chardons Infos !), quand le foot passe un message, ce sont des millions de fans qui l’écoutent.

(R.G.)

 

     
     

 

Précédente

9

Suivante