La Chronique a la Morille
À
l’heure où je viens
d’acheter mon permis de
pêche, et où le noble
champignon printanier fait
son apparition sous les
frênes de nos campagnes, je
prends tout de même la peine
de consacrer un peu de temps
à notre journal biannuel :
Quel effort, en cette
période! Pour ne pas trop
m’éloigner de mes
occupations habituelles de
saison, j’ai choisi de
traiter d’un sujet en
adéquation avec mon
environnement préféré, la
nature. Le chardon, emblème
de notre club, s’inscrit
également dans ce thème.
En ces temps de crise
économique, j’ai noté que
l’écologie avait tendance à
être reléguée au second
plan. Enjeu majeur des
dernières élections
présidentielles, les
considérations
environnementales sont
aujourd’hui totalement
absentes des débats et de la
course à l‘Elysée. Pourtant
les idées vertes ont fait
leur chemin depuis plusieurs
années et s’inscrivent de
plus en plus dans les
mentalités. Même les clubs
de foot professionnels
commencent à adopter
certaines mesures de
développement durable.
Ainsi, l’ASSE (les Verts! Ça
ne s’invente pas!) est l’un
des premiers clubs européens
et de Ligue 1 à avoir mis en
place en interne une
démarche réellement
environnementale. Il
s’engage par exemple à
réduire et à compenser
chaque saison les émissions
de CO2 générés par les
déplacements de son équipe
professionnelle. Beaucoup
d’actions de sensibilisation
sont également menées auprès
des plus jeunes comme des
adultes (incitation au
covoiturage pour se rendre
au stade, à utiliser des
moyens de transport en
commun). Les rénovations du
stade Geoffroy Guichard ont
été conduites suivant une
démarche «Haute Qualité
Environnementale». Ainsi,
2600 m² de panneaux solaires
ont été installés par
Saint-Etienne Métropole sur
une partie de la toiture.
Enfin, un bassin autonome de
rétention d’eau alimente
l’arrosage des pelouses du
centre.
Ce
dernier point retient
particulièrement mon
attention, car j’ai l’intime
conviction que dans un futur
plus ou moins proche,
l’élément liquide qui nous
est si essentiel au
quotidien deviendra une
ressource très rare et très
coûteuse. Sans tomber
totalement dans la
science-fiction, il m’est
aisé d’imaginer un monde où
l’eau vaudrait plus que de
l’or et où les nations
entreraient en conflit non
pour des frontières ou des
intérêts économiques et
religieux, mais bien pour de
l’eau potable. Certes, nous
vivons sur la planète bleue,
mais le restera-t-elle
encore longtemps? La
pollution est de plus en
plus importante dans les
nappes phréatiques et les
cours d’eau, dont le débit a
cruellement baissé ces
dernières décennies (tous
les pêcheurs vous le
diront)! C’est pourquoi la
sensibilisation est à mes
yeux primordiale dans tous
les milieux, celui du foot
compris! Être raisonnable et
éviter les excès me semble
la ligne de conduite la plus
adaptée. Pour ce qui est du
football, l’adoption du
terrain synthétique pourrait
contribuer à cet effort
écologique grâce au long
cycle de vie de ce matériau,
qui par ailleurs consomme 63
fois moins d’eau qu’une
pelouse naturelle. Si
l’installation d’un tel
dispositif a un coût, les
économies d’eau et d’énergie
sont considérables, le
terrain en pelouse
synthétique présentant en
outre l’avantage d’être
praticable été comme hiver.
Les clubs de Lorient, Nancy
et Châteauroux ont déjà
adopté ce type de gazon. Et
pourtant, en tant que
footballeur pratiquant, je
comprends les réticences de
certains (dont je fais
partie) et j‘entends bien
leur argument principal : il
est tout de même bien plus
agréable de jouer au ballon
sur de l’herbe que sur du
plastique! Peut-être
pourrait-on déjà commencer
par adopter des mesures
sensées, comme
l’interdiction de chauffer
les pelouses avant les
matchs, procédé qui
m’apparaît comme une
aberration économique et
écologique malheureusement
fréquente en Europe.
Néanmoins,
le monde du football
professionnel commence à
faire des efforts au niveau
environnemental, et il me
semble important de citer
des exemples. Depuis mai
2011, le stade Old Trafford
de Manchester United est
alimenté par 52 éoliennes à
l’initiative de
Sustainability in Sport,
entité fondée par Gary
Neville et Dale Vince et
visant à convertir le foot
et autres sports au
développement durable. En
France, en Allemagne et en
Angleterre, les grands
stades découvrent les
pratiques écologiques :
toits végétalisés,
récupération d’eau de pluie,
retraitements des déchets…
Manchester United produit sa
propre énergie (solaire) et
fait recycler 8 millions de
déchets (canettes,
bouteilles,…) en volets ou
en meubles. En France, le
Club de Grenoble a installé
1000m² de panneaux solaires
photovoltaïques sur les
toitures de son stade.
Des mesures encourageantes
donc, mais encore
embryonnaires face à
l’inconscience écologique de
certaines personnalités du
monde du football
professionnel! Ainsi, en
fouillant sur internet, j’ai
découvert une ou deux
pépites, parfois vraiment
déplacées : Jean-Michel
Aulas, le président
lyonnais, interrogé au sujet
des panneaux photovoltaïques
du stade de Saint-Etienne,
aurait déclaré : «Si être
écologique, c’est se
chauffer au charbon et ne se
déplacer qu’en bus au colza
parce qu’on ne sort jamais
de France, laissez-moi rire.
Et le stade des lumières,
vous croyez peut-être que je
vais l’éclairer à la
bougie?». La réplique de son
homologue stéphanois Roland
Romeyer ne s’est pas fait
attendre. Il a estimé que l’OL
«abusait effectivement des
énergies fossiles, avec un
défenseur comme Cris».
Autre exemple, Djibril Cissé
posséderait selon Greenpeace
une flotte automobile
impressionnante (notamment
de Hummers), dont le bilan
carbone annuel serait celui
d’un Airbus A320. Le joueur
n’a même pas compris la
question du journaliste qui
l’interviewait sur son
«bilan carbone» : «Je ne
suis pas carbonisé, mes
bilans sont excellents.» !
Certes, le foot, avec ses
bad boys incultes et aux
salaires indécents, roulant
en Ferrari, n’est pas
toujours un exemple de
l’élévation humaine.
Pourtant, nombreux sont les
amoureux du foot qui veulent
changer les choses. Et le
foot en a les moyens : avec
sa puissance de
communication incomparable
(comme le Chardons Infos !),
quand le foot passe un
message, ce sont des
millions de fans qui
l’écoutent.
(R.G.)
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