La
chronique à la Morille
Cet
été se sont déroulés deux
évènements sportifs majeurs: Le
championnat d’Europe de football
en Ukraine et en Pologne et les
Jeux Olympiques de Londres.
Rajoutez à cela la Grande
Boucle… On peut dire que la
période estivale aura été bien
remplie. Ayant suivi ces trois
manifestations avec un certain
intérêt, j’ai constaté, sans
surprise, qu’à ce niveau-là, les
participants ne reculaient
devant rien pour s’imposer et
triompher de leurs adversaires,
de manière souvent illicite,
notamment en ayant recours au
dopage.
Seul
l’Euro semble avoir échappé à ce
phénomène… Et pourtant, tout
comme dans les deux autres
compétitions, tous les éléments
sont réunis pour favoriser cette
pratique : de gros enjeux
financiers, une pression
médiatique très importante,
l’augmentation des cadences de
matchs dans le milieu du
football, et les carrières des
joueurs relativement courtes,
commencées souvent à un très
jeune âge. Face aux suspicions
croissantes, le milieu du ballon
rond se défend en prônant que le
foot est un sport technique, où
le dopage n’a que peu d’intérêt.
Et pourtant, chaque footballeur
amateur est conscient que la
condition physique et les
qualités athlétiques sont
primordiales, et que le geste,
du plus anodin au plus
technique, est bien plus aisé à
réaliser lorsqu’on n’est pas
essoufflé. Dorian Martinez,
responsable du service Écoute
Dopage, déclare : "avec un peu
de bon sens, on comprend que
malgré tout son talent, un
joueur (et a fortiori, une
équipe) sera meilleur s’il peut
courir toute la durée du match
comme un lapin plutôt que s’il
tire la langue dès la 65e
minute!"
Sûrement
pour ne pas ternir l’engouement
envers le premier sport mondial
(le football est le sport
collectif qui enregistre le plus
de licenciés au monde) et sa
renommée, les responsables
traînent les crampons pour
engager un réel combat
antidopage. Car le paradoxe de
cette lutte, c’est que plus on
cherche, plus on trouve. C'est
bien ce qui s’est produit à
Londres et durant les derniers
Tours de France. 107 athlètes
ont été écartés des J.O. avant
même le début de la compétition,
et de nombreux cas de dopages
(une dizaine) se sont ensuite
succédés! Quant à l’épreuve
reine du cyclisme, pas besoin de
faire un dessin : prenons
l’exemple, criant, du classement
des Tours 2003 ou 2005 :
seulement deux, voire trois des
dix premiers coureurs semblent
avoir été « propres » pendant la
compétition. Quant au vainqueur
de ces années-là… Ecrasant de
facilité, Lance Armstrong,
septuple lauréat de l’exercice,
a finalement été récemment
reconnu coupable de dopage (ce
dont tout le monde se doutait)
et déchu de ses titres (comme
beaucoup le souhaitaient). A mes
yeux, le problème n’est pas pour
autant règlé : le Tour de France
ne peut maintenant plus disposer
d’un palmarès crédible, sans
tricheur! Il est entaché à
jamais, aussi loin que l’on
remonte dans le temps…
Est-ce
l’écueil que le monde du
football cherche à éviter en se
plaçant dernier de la classe
dans la lutte antidopage ? Un
coureur cycliste a 1 chance sur
10 d'être contrôlé, un
footballeur, 1 sur 2000. Ainsi,
seulement 0,05% des joueurs sont
soumis aux tests de dépistage.
Autant pisser dans un violon que
dans un bocal! De plus, même les
contrôles positifs successifs de
joueurs vedettes comme Jaap Stam,
Edgar Davids ou Fernando Couto,
ni même l’éviction de Maradona
du mondial américain en 1994 et
le procès de la Juventus, où
jouaient à l'époque Deschamps et
Zidane, n’ont réellement
bouleversé la tradition d’omertà
du ballon rond. En 2002,
l’affaire italienne a pourtant
révélé l'ampleur du dopage dans
certains grands clubs de foot.
Lors des perquisitions, les
carabiniers ont retrouvé 281
médicaments différents prescrits
dans un but d’améliorer les
performances. Une pharmacie
hallucinante recelant des
injections et des consommations
de créatine systématisées, un
produit qui ne figurait alors
pas sur la liste des produits
interdits. Zinedine Zidane
reconnaîtra lui-même en avoir
pris. Des résultats d’analyses
sanguines troublantes pour
plusieurs joueurs démontreront
finalement l’usage d’EPO par
Antonio Conte et Alessio
Tacchinardi. Après une
condamnation en première
instance du médecin du club à un
an et dix mois de prison,
l’appel du Tribunal de Turin
conclut en décembre 2005 à la
relaxe de tous les accusés.
Sommes-nous assez crédules pour
penser que ces pratiques ne
concernent que l’Italie ?
Plus
récemment, des noms de
footballeurs du Real et du Barça
ont été chuchotés dans le
dossier de l’affaire Puerto
impliquant le docteur Fuentes,
déjà compromis dans le monde du
cyclisme. Ce dernier aurait
affirmé à des médias espagnols
que s'il parlait, «l'Espagne
n'aurait plus ni la Coupe
d'Europe, remportée en 2008, ni
le Mondial 2010»! Plutôt
fâcheux! Et si on retrouvait le
scénario du Tour de France ?
Sans forcément accorder de
crédit à ces rumeurs ou
accusations peut-être
mensongères, comment ne pas
envisager le pire ? Les
victoires de l’équipe de France
lors de la Coupe du Monde 1998
et de l’Euro 2000 sont-elles
«propres» ? L’exemplaire et
infatigable capitaine Deschamps,
et le grandiose meneur de jeu,
Zidane, ne prenaient-ils que des
vitamines et des compléments
alimentaires ? Nous ne le
saurons sûrement jamais, et mon
but ici n’est pas de salir la
réputation de l’actuel
sélectionneur de l’équipe de
France, ni celle d’un des plus
grands numéros 10 de tous les
temps, magicien du ballon qui a
enchanté des millions de
personnes avec son art. Mais
l’apathie de la FIFA concernant
les contrôles n’incite-t-elle
pas à se poser des questions ?
Lors
du mondial 2006, Zidane débute
la compétition à l’image de
l’équipe de France : de manière
poussive et sans inspiration.
Après une qualification à
l’arrachée pour les huitième de
finale, on assiste à une
véritable métamorphose contre le
Brésil, où Zizou, omniprésent,
joue une des plus belles
partitions jamais proposées au
monde du football; le
chef-d’œuvre d’un virtuose! Le
reste de sa compétition se
déroulera sur le même ton,
jusqu’à l’issue prématurée dont
tout le monde se souvient.
Alors, comment expliquer un tel
écart de niveau entre le début
de la compétition et la deuxième
partie ? Par une montée en
puissance naturelle et logique,
ou par tout autre chose ?
Pendant le Mondial allemand, la
Fédération internationale de
football n’a pratiqué aucun
contrôle sanguin pour détecter
d’éventuelles transfusions, et
Jiri Dvorak, le médecin chef de
la FIFA, explique au journal Le
Monde : « nous considérons la
probabilité de cette pratique
dans le football tellement
faible que ce serait une perte
de temps, d’argent et d’énergie
que de faire des contrôles
sanguins ». Certes, le raccourci
est un peu trop facile, mais un
autre fait ajoute au doute et à
l’interrogation : lors d’une
émission sur Canal + en octobre
2003, « Merci pour l’info »,
Johnny Halliday dévoile
tranquillement le secret de sa
vitalité : une clinique suisse
spécialiste de l’autotransfusion
sanguine, dont Zidane lui a
donné l’adresse. « Zidane y va
deux fois par an et je le
comprends », révèle le chanteur
après avoir précisé que ce
traitement, consistant à
prélever du sang, à l’oxygéner
et à se le réinjecter, lui a
fait un bien fou. Ayant les
mêmes effets que l’EPO, cette
technique est bien évidemment
interdite dans le sport. Mais
bizarrement, la bourde de Johnny
passe presque inaperçue! Bien
sûr, ce n’est pas suffisant pour
incriminer un joueur, mais tout
de même! Par contre, Zidane ne
pourra jamais prouver son
innocence à ses détracteurs, qui
peuvent l’accuser comme tant
d’autres de tricherie, car peu
de contrôles officiels prouvant
le contraire auront été
effectués à l’époque.
Même
si aujourd’hui,
au niveau européen, on note
quelques améliorations dans la
lutte antidopage (l’UEFA
commence à afficher les
contrôles positifs sur son site,
et à diffuser une campagne
d'éducation et de prévention),
elles sont loin d’être
suffisantes pour garantir la
transparence de ce sport et
veiller à la santé des joueurs,
comme le souligne un rapport
demandé en 2003 par le juge
italien Raffaele Guarinello, qui
dressait un tableau pour le
moins alarmant : une étude
portant sur 24 000 anciens
footballeurs professionnels
italiens, révélait que ces
sportifs étaient deux à dix fois
plus fréquemment touchés que le
reste de la population par le
cancer du côlon, du foie, de la
thyroïde, par la leucémie ou la
sclérose. Sans parler de la
liste de plus en plus longue des
accidents cardiaques, souvent
mortels, sur les terrains. Et
même si aucun rapport de cause à
effet n’est encore prouvé avec
le dopage, l’éventualité n’est
pas à exclure.
Oui,
la FIFA indique sur son site
internet, que sa « vision est
claire : éradiquer le dopage
dans le football » ; « la FIFA a
le devoir de protéger les
joueurs et de faire en sorte
qu'ils puissent concourir à
armes égales » ; « la FIFA sait
que les footballeurs sont des
personnes ambitieuses et
indépendantes » mais « au vu du
nombre de joueurs, du calendrier
et du pourcentage de tests
positifs, le système de tests
individuels n'est pas
efficace ». « Les contrôles
antidopage réalisés à
l'improviste auprès des équipes
de l'élite n'ont qu'un effet
dissuasif ».
Alors
que faire ? De tels communiqués
sont-ils bien satisfaisants ? Il
me semble que la mise en place
d’un programme de tests plus
efficaces et de sanctions
exemplaires plus lourdes serait
mieux appropriée. En effet, la
prévention ne saurait être
efficace sans une répression
dissuasive; la multiplication
des passe-droits et des
sanctions minimalistes ôte tout
crédit à la lutte antidopage.
Peut-être faudrait-il également
réduire les cadences infernales,
avec parfois un match tous les
trois jours. Pourquoi ne pas
définir un quota de nombre de
matchs à ne pas dépasser par
joueur? Ou encore, comme le
demandent beaucoup de joueurs,
supprimer des compétitions
inutiles qui vont mettre en
péril les joueurs les plus
sollicités, telles que la Coupe
des Confédérations, programmée
en période de trêve.
Bien
sûr, ne nous voilons pas la
face, cela ne résoudra pas tout
et il existera toujours des
tricheurs partout! Néanmoins, la
réputation du football moderne
étant déjà bien entachée et
pourrie par l’argent, il est
peut-être grand temps de prendre
des mesures plus strictes et
efficaces pour faire toute la
lumière sur les dérives
pratiquées dans ce milieu. Nous
ne sommes plus à ça près!
RG
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