Chardons Infos 68

Printemps  2011

 

 

 

  Entretien avec pascal Dupraz

     

 

Difficile de détailler les nombreux paramètres qui ont permis à « l'E.T.G .» de devenir le club phare du département. Il est pourtant aisé de citer l'homme qui y a le plus contribué : Pascal Dupraz, un personnage dans le landernau du foot local. Si l'homme ne laisse pas indifférent, chacun s'accorde à reconnaître que depuis 20 ans dans le même club, cet ex-pro a su faire rimer passion et ambition! Une association sportive qui a changé plusieurs fois de nom, au gré de ses «unions». Le dernier mariage, arrosé à l'eau minérale, semble avoir permis de garnir suffisamment le panier de la mariée pour pérenniser le football professionnel en Haute-Savoie, pour la plus grande joie des supporters des « Croix de Savoie ». Pascal Dupraz ne se plaint pas que « la mariée soit trop belle ». Depuis le début, il a oeuvré pour vivre cette situation.

 

Nous avons interrogé celui qui est aujourd'hui directeur sportif d'Evian-Thonon-Gaillard le jour où des joueurs de l'effectif pro se rendaient au Stade des Chardons pour encadrer les pensionnaires de l'école de foot. Une initiative qu'on lui doit et qui ressemble à son parcours : la rencontre du football amateur et du football professionnel.

 

- On se souvient que lors de votre première participation au « Tournoi des As » en 1995, avec ce qui était encore l'équipe de Gaillard à l'époque, vous aviez remporté l'épreuve, en battant en finale... Thonon! Quels souvenirs gardez-vous de cette période? Et de l'Etoile Sportive de Cernex?

Je me souviens déjà que c'était un tournoi sympathique, une belle fête, où l’on avait toujours plaisir à venir. Je me souviens également du président Philippe. A cette époque, on commençait à entamer notre suprématie régionale et ça ne plaisait pas à tout le monde. Les équipes commençaient à nous jalouser, tout simplement parce qu'on les battait!

 

-Lorsque vous avez démarré l'aventure à Gaillard, aviez-vous imaginé que la situation actuelle, jouer les premiers rôles en Ligue 2, puisse être possible un jour?

A partir du moment où j'ai accepté de prendre la direction technique de Gaillard, j'ai toujours dit aux dirigeants de l'époque - certains ne sont hélas plus là, comme Salvatore Mazzéo ou Marion Bacquerot - que mon objectif était de rendre au foot ce qu'il m'avait donné, et que c'était un luxe de pouvoir le faire ici, chez moi, dans ma région. Par contre, cela impliquait que les règles, les attitudes et les comportements changent. On devait se rapprocher d'un football «pro» dans un cadre amateur.

 

-A l'époque, les confrontations contre les clubs voisins étaient animées. N'est-ce pas finalement votre plus grande fierté que d'avoir réussi à fédérer aujourd'hui tout le foot Haut-Savoyard autour de l'ETG?

Je ne suis pas le seul à y avoir travaillé. J'ai surtout contribué à élever le niveau de ce club, initié certains rapprochements, car je me suis très vite rendu compte que pour progresser dans la hiérarchie, nous devions nous armer et nous ouvrir sur l'extérieur. Une grande fierté a été de donner naissance aux « Croix de Savoie ». Ensuite, au gré des rencontres, notamment celle avec Patrick Trottignon qui m'a tuyauté sur le possible attrait de F. Riboud et du groupe Danone pour notre club, l'ETG a pu grandir. Cela n'a pas été simple : si j'ai connu de grandes joies, j'ai aussi connu des périodes difficiles.

 

-L'ETG permet aux écoles de foot du département de venir encourager les « Roses » gratuitement (les jeunes de l'Etoile Sportive en ont du reste profité) et des joueurs du groupe professionnel vont dans les clubs animer des séances avec les footballeurs en herbe. C'est pour dénicher les futurs supporters ou les futurs joueurs?

C'est pour susciter des vocations mais également montrer aux clubs notre respect envers eux. Nous avons en commun de partager la même passion pour le ballon rond. Il n’y a pas si longtemps, nous étions aussi des amateurs. Je me souviens encore de mes débuts à l'U.S. Marnaz et de l'opiniâtreté des dirigeants qui m'ont transmis leur fougue. S'ils n'avaient pas passé du temps avec moi, je ne serai jamais devenu footballeur pro. C'est donc la moindre des choses que de rendre un peu de ce que l'on a reçu, et c'est un exercice extrêmement vertueux pour nos Professionnels que d'aller à la rencontre de la base, pour qu'ils n'oublient pas en chemin d'où ils viennent. Nous attendons un comportement et un état d'esprit positifs de ceux qui entendent postuler à une place chez nous. Et puis, il fait bon humer le parfum d’une pelouse où des mômes écarquillent les yeux en voyant des joueurs passer du temps avec eux, leur signer des autographes. C'est sans calcul.

 

-On connaissait le bouillant coach, on découvre un directeur sportif serein. Quelle est la recette pour arriver à prendre le recul nécessaire à cette évolution ?

L'expérience sans doute, le bénéfice de l'âge.... Mais je pense que sans opiniâtreté, sans caractère, je n'y serais pas parvenu. Il a fallu parfois jouer des matchs « chauds ». Il fallait avoir du caractère pour s'en sortir. Maintenant, dans mon travail, je me fais plus discret, je travaille dans l'ombre, je fuis presque la médiatisation. Le terrain me manquera toujours : entraîneur reste le plus beau métier du monde à mes yeux. Mais qui sait ce que l'avenir nous réserve...

 

-Quelles sont vos attributions en tant que directeur sportif?

Conduire la politique sportive de notre club, qui va du recrutement des joueurs pros et amateurs à celui des éducateurs. Veiller également à ce que le club soit en phase avec le projet défini par F. Riboud, à savoir : être une locomotive. Développer le centre de formation et les écoles de foot. J'essaie de mener à bien ma mission en tenant compte de mes ressentis personnels.

 

-De l'extérieur, on a l'impression que vous accordez beaucoup d'importance à la mentalité des joueurs, à leur état d'esprit. Pas de risque donc de voir « Les Croix de Savoie » refuser de descendre un jour du car au « Vitam’Parc » (lieu de mise au vert des « Roses ») ?

Je souhaite ne jamais voir chez nous un bus dont les portes ne s'ouvrent pas. Je travaille en tout cas pour juguler les risques que cela arrive. D'où l'importance de former ou d'acquérir des joueurs dotés d’un état d'esprit irréprochable. Des joueurs qui aiment partager et apprécient la beauté de ce jeu. J'ai beaucoup de respect pour les « socles » du club, les joueurs qui ont un vécu chez nous, qui transmettent des valeurs et ont fait leurs preuves en tant qu'hommes. Je ne me prive pas de le rappeler au groupe à l'occasion.

 

-Lorsqu’on a été comme vous footballeur amateur, puis pro, puis entraîneur, et enfin directeur sportif, et que l'on a passé autant d'heures sur ou autour d'un terrain de foot, on n’en a pas marre parfois ? La passion est-elle toujours intacte ?

J'ai toujours la passion même si certains épisodes m'ont fait mal. On m'a mis des bâtons dans les roues, peut-être à cause de mon caractère impétueux, mais j'ai toujours eu comme priorité de m'occuper de mon club et pas trop des autres. Comme j'avais envie d'avancer, je n'avais pas le temps de me disperser. Mon objectif était de battre nos adversaires, de manière licite, et que notre club grandisse.

 

-Le foot vous laisse-t-il le temps pour un autre hobby ?

Non, très peu. J’ai la chance d'avoir une maison assez vaste, mais je crois bien qu'il y a des pièces dans lesquelles je ne suis jamais entré! Je pratique le ski, de temps en temps, un peu de marche, un peu de course pour m'entretenir, car j'ai eu des problèmes cardiaques. Je vais aussi un peu au cinéma mais je trouve que les meilleurs scénarii, je les dois aux matches de foot! Je ne vais pas renier ma passion, j'aime le foot et je suis encore capable de m'enthousiasmer devant un match de gamins.

 

-Le ballon est une affaire de famille chez les Dupraz, votre papa et l'un de vos fils sont très investis dans le club. Pour autant, peut-on encore parler de club familial dans le foot pro?

Non. Ce n'est pas le monde des « Bisounours », et je le sais depuis longtemps. Pour autant, si j'ai quitté mon précédent emploi pour m'investir à fond dans mon rôle, c'est que j'entends rester dans ce milieu qui me plaît. J'essaie toutefois de défendre certaines valeurs « familiales », comme l'humilité et le travail, principes heureusement partagés, quand même, par pas mal de gens.

J'en profite pour rendre hommage à mon père, quelqu'un d'admirable, qui a mis de son temps et de son argent pour que ce club existe encore aujourd'hui. Peu se souviennent combien son intervention a été salutaire.

 

-Quel est votre pire souvenir de foot?

Être descendu un jour de National parce que des gens avaient savonné la planche. Des amis, en plus... Le fait aussi qu'un élu se soit désengagé nous a fait très mal, notamment lors de ce match contre Moulins qu'on devait absolument remporter et où l'on a finalement concédé le nul.

A la réflexion, ce fût peut-être un mal pour un bien…

 

-Et le meilleur?

Le meilleur est à venir! J'ai entamé mon aventure à Gaillard après ma carrière pro en 1991. 20 ans plus tard, si je pouvais fêter cet anniversaire par une accession en ligue 1, je ne vois pas ce qui pourrait m'arriver de mieux ! Après cela, je peux mourir!

 

Propos recueillis par G.C

     
     

 

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