Entretien avec pascal Dupraz
Difficile de
détailler les
nombreux
paramètres qui
ont permis à
« l'E.T.G .» de
devenir le club
phare du
département. Il
est pourtant
aisé de citer
l'homme qui y a
le plus
contribué :
Pascal Dupraz,
un personnage
dans le
landernau du
foot local. Si
l'homme ne
laisse pas
indifférent,
chacun s'accorde
à reconnaître
que depuis 20
ans dans le même
club, cet ex-pro
a su faire rimer
passion et
ambition! Une
association
sportive qui a
changé plusieurs
fois de nom, au
gré de ses
«unions». Le
dernier mariage,
arrosé à l'eau
minérale, semble
avoir permis de
garnir
suffisamment le
panier de la
mariée pour
pérenniser le
football
professionnel en
Haute-Savoie,
pour la plus
grande joie des
supporters des
« Croix de
Savoie ». Pascal
Dupraz ne se
plaint pas que
« la mariée soit
trop belle ».
Depuis le début,
il a oeuvré pour
vivre cette
situation.
Nous avons
interrogé celui
qui est
aujourd'hui
directeur
sportif d'Evian-Thonon-Gaillard
le jour où des
joueurs de
l'effectif pro
se rendaient au
Stade des
Chardons pour
encadrer les
pensionnaires de
l'école de foot.
Une initiative
qu'on lui doit
et qui ressemble
à son parcours :
la rencontre du
football amateur
et du football
professionnel.
- On se souvient
que lors de
votre première
participation au
« Tournoi des
As » en 1995,
avec ce qui
était encore
l'équipe de
Gaillard à
l'époque, vous
aviez remporté
l'épreuve, en
battant en
finale... Thonon!
Quels souvenirs
gardez-vous de
cette période?
Et de l'Etoile
Sportive de
Cernex?
Je me souviens
déjà que c'était
un tournoi
sympathique, une
belle fête, où
l’on avait
toujours plaisir
à venir. Je me
souviens
également du
président
Philippe. A
cette époque, on
commençait à
entamer notre
suprématie
régionale et ça
ne plaisait pas
à tout le monde.
Les équipes
commençaient à
nous jalouser,
tout simplement
parce qu'on les
battait!
-Lorsque vous
avez démarré
l'aventure à
Gaillard,
aviez-vous
imaginé que la
situation
actuelle, jouer
les premiers
rôles en Ligue
2, puisse être
possible un
jour?
A partir du
moment où j'ai
accepté de
prendre la
direction
technique de
Gaillard, j'ai
toujours dit aux
dirigeants de
l'époque -
certains ne sont
hélas plus là,
comme Salvatore
Mazzéo ou Marion
Bacquerot - que
mon objectif
était de rendre
au foot ce qu'il
m'avait donné,
et que c'était
un luxe de
pouvoir le faire
ici, chez moi,
dans ma région.
Par contre, cela
impliquait que
les règles, les
attitudes et les
comportements
changent. On
devait se
rapprocher d'un
football «pro»
dans un cadre
amateur.
-A l'époque, les
confrontations
contre les clubs
voisins étaient
animées.
N'est-ce pas
finalement votre
plus grande
fierté que
d'avoir réussi à
fédérer
aujourd'hui tout
le foot
Haut-Savoyard
autour de l'ETG?
Je ne suis pas
le seul à y
avoir travaillé.
J'ai surtout
contribué à
élever le niveau
de ce club,
initié certains
rapprochements,
car je me suis
très vite rendu
compte que pour
progresser dans
la hiérarchie,
nous devions
nous armer et
nous ouvrir sur
l'extérieur. Une
grande fierté a
été de donner
naissance aux
« Croix de
Savoie ».
Ensuite, au gré
des rencontres,
notamment celle
avec Patrick
Trottignon qui
m'a tuyauté sur
le possible
attrait de F.
Riboud et du
groupe Danone
pour notre club,
l'ETG a pu
grandir. Cela
n'a pas été
simple : si j'ai
connu de grandes
joies, j'ai
aussi connu des
périodes
difficiles.
-L'ETG permet
aux écoles de
foot du
département de
venir encourager
les « Roses »
gratuitement
(les jeunes de
l'Etoile
Sportive en ont
du reste
profité) et des
joueurs du
groupe
professionnel
vont dans les
clubs animer des
séances avec les
footballeurs en
herbe. C'est
pour dénicher
les futurs
supporters ou
les futurs
joueurs?
C'est pour
susciter des
vocations mais
également
montrer aux
clubs notre
respect envers
eux. Nous avons
en commun de
partager la même
passion pour le
ballon rond. Il
n’y a pas si
longtemps, nous
étions aussi des
amateurs. Je me
souviens encore
de mes débuts à
l'U.S. Marnaz et
de l'opiniâtreté
des dirigeants
qui m'ont
transmis leur
fougue. S'ils
n'avaient pas
passé du temps
avec moi, je ne
serai jamais
devenu
footballeur pro.
C'est donc la
moindre des
choses que de
rendre un peu de
ce que l'on a
reçu, et c'est
un exercice
extrêmement
vertueux pour
nos
Professionnels
que d'aller à la
rencontre de la
base, pour
qu'ils
n'oublient pas
en chemin d'où
ils viennent.
Nous attendons
un comportement
et un état
d'esprit
positifs de ceux
qui entendent
postuler à une
place chez nous.
Et puis, il fait
bon humer le
parfum d’une
pelouse où des
mômes
écarquillent les
yeux en voyant
des joueurs
passer du temps
avec eux, leur
signer des
autographes.
C'est sans
calcul.
-On connaissait
le bouillant
coach, on
découvre un
directeur
sportif serein.
Quelle est la
recette pour
arriver à
prendre le recul
nécessaire à
cette évolution
?
L'expérience
sans doute, le
bénéfice de
l'âge.... Mais
je pense que
sans
opiniâtreté,
sans caractère,
je n'y serais
pas parvenu. Il
a fallu parfois
jouer des matchs
« chauds ». Il
fallait avoir du
caractère pour
s'en sortir.
Maintenant, dans
mon travail, je
me fais plus
discret, je
travaille dans
l'ombre, je fuis
presque la
médiatisation.
Le terrain me
manquera
toujours :
entraîneur reste
le plus beau
métier du monde
à mes yeux. Mais
qui sait ce que
l'avenir nous
réserve...
-Quelles sont
vos attributions
en tant que
directeur
sportif?
Conduire la
politique
sportive de
notre club, qui
va du
recrutement des
joueurs pros et
amateurs à celui
des éducateurs.
Veiller
également à ce
que le club soit
en phase avec le
projet défini
par F. Riboud, à
savoir : être
une locomotive.
Développer le
centre de
formation et les
écoles de foot.
J'essaie de
mener à bien ma
mission en
tenant compte de
mes ressentis
personnels.
-De l'extérieur,
on a
l'impression que
vous accordez
beaucoup
d'importance à
la mentalité des
joueurs, à leur
état d'esprit.
Pas de risque
donc de voir
« Les Croix de
Savoie » refuser
de descendre un
jour du car au
« Vitam’Parc »
(lieu de mise au
vert des
« Roses ») ?
Je souhaite ne
jamais voir chez
nous un bus dont
les portes ne
s'ouvrent pas.
Je travaille en
tout cas pour
juguler les
risques que cela
arrive. D'où
l'importance de
former ou
d'acquérir des
joueurs dotés
d’un état
d'esprit
irréprochable.
Des joueurs qui
aiment partager
et apprécient la
beauté de ce
jeu. J'ai
beaucoup de
respect pour les
« socles » du
club, les
joueurs qui ont
un vécu chez
nous, qui
transmettent des
valeurs et ont
fait leurs
preuves en tant
qu'hommes. Je ne
me prive pas de
le rappeler au
groupe à
l'occasion.
-Lorsqu’on a été
comme vous
footballeur
amateur, puis
pro, puis
entraîneur, et
enfin directeur
sportif, et que
l'on a passé
autant d'heures
sur ou autour
d'un terrain de
foot, on n’en a
pas marre
parfois ? La
passion est-elle
toujours intacte
?
J'ai toujours la
passion même si
certains
épisodes m'ont
fait mal. On m'a
mis des bâtons
dans les roues,
peut-être à
cause de mon
caractère
impétueux, mais
j'ai toujours eu
comme priorité
de m'occuper de
mon club et pas
trop des autres.
Comme j'avais
envie d'avancer,
je n'avais pas
le temps de me
disperser. Mon
objectif était
de battre nos
adversaires, de
manière licite,
et que notre
club grandisse.
-Le foot vous
laisse-t-il le
temps pour un
autre hobby ?
Non, très peu.
J’ai la chance
d'avoir une
maison assez
vaste, mais je
crois bien qu'il
y a des pièces
dans lesquelles
je ne suis
jamais entré! Je
pratique le ski,
de temps en
temps, un peu de
marche, un peu
de course pour
m'entretenir,
car j'ai eu des
problèmes
cardiaques. Je
vais aussi un
peu au cinéma
mais je trouve
que les
meilleurs
scénarii, je les
dois aux matches
de foot! Je ne
vais pas renier
ma passion,
j'aime le foot
et je suis
encore capable
de
m'enthousiasmer
devant un match
de gamins.
-Le ballon est
une affaire de
famille chez les
Dupraz, votre
papa et l'un de
vos fils sont
très investis
dans le club.
Pour autant,
peut-on encore
parler de club
familial dans le
foot pro?
Non. Ce n'est
pas le monde des
« Bisounours »,
et je le sais
depuis
longtemps. Pour
autant, si j'ai
quitté mon
précédent emploi
pour m'investir
à fond dans mon
rôle, c'est que
j'entends rester
dans ce milieu
qui me plaît.
J'essaie
toutefois de
défendre
certaines
valeurs
« familiales »,
comme l'humilité
et le travail,
principes
heureusement
partagés, quand
même, par pas
mal de gens.
J'en profite
pour rendre
hommage à mon
père, quelqu'un
d'admirable, qui
a mis de son
temps et de son
argent pour que
ce club existe
encore
aujourd'hui. Peu
se souviennent
combien son
intervention a
été salutaire.
-Quel est votre
pire souvenir de
foot?
Être descendu un
jour de National
parce que des
gens avaient
savonné la
planche. Des
amis, en plus...
Le fait aussi
qu'un élu se
soit désengagé
nous a fait très
mal, notamment
lors de ce match
contre Moulins
qu'on devait
absolument
remporter et où
l'on a
finalement
concédé le nul.
A la réflexion,
ce fût peut-être
un mal pour un
bien…
-Et le meilleur?
Le meilleur est
à venir! J'ai
entamé mon
aventure à
Gaillard après
ma carrière pro
en 1991. 20 ans
plus tard, si je
pouvais fêter
cet anniversaire
par une
accession en
ligue 1, je ne
vois pas ce qui
pourrait
m'arriver de
mieux ! Après
cela, je peux
mourir!
Propos
recueillis par
G.C |