Je m’souviens -
Patrick Chameaux
C’est
avec beaucoup plaisir que je
suis allé écouter ce grand
joueur de football, qui a
officié quelques saisons à
l’E.S.C. en tant
qu’entraîneur.
Si Pat s’est aujourd’hui
éloigné de son sport de
cœur, il n’en reste pas
moins un grand passionné qui
m’a tenu en haleine pendant
plusieurs heures. C’est donc
avec intérêt que je vous
retranscris ici une infime
partie de ses propos
concernant sa carrière de
footballeur.
«J’ai commencé le foot vers
6 ans, mais mon premier
souvenir marquant date de la
Coupe du Monde 78 en
Argentine. Quand tu vois ça
à la télé, c’est un rêve. En
plus, mes parents m’avaient
acheté un ballon Tango1 , à
l’effigie de cette
compétition. Lors des phases
de poules, j’ai trouvé
l’élimination de la France
contre l’Argentine injuste,
car ils avaient vraiment
fait un bon match. Avec le
recul, je pense que
l’Argentine méritait d’être
championne du monde, malgré
le contexte controversé.
Mon meilleur souvenir de
footballeur reste sans
hésiter les Coupes
Interdistrict, lorsque
j’étais en Pupilles, Minimes
et Cadets. On gagnait tout!
Avec la sélection des
joueurs les plus doués du
département, comme Hervé
Musquère, on affrontait les
meilleures équipes de la
région Rhône-Alpes. Des
grandes villes, et des
équipes prestigieuses, donc,
comme Lyon ou Saint-Etienne.
Alors que je jouais en club
à Saint-Julien puis Thonon,
c’était mon maillot contre
celui des autres
départements! Et ceux qui
nous traitaient de bouseux
ou de pécores (car à
l’époque, il n’y avait pas
grand-chose dans les
environs) n’étaient pas
nombreux à repartir avec le
sourire après le match!
Après le sport-étude à
Thonon, j’ai eu
l’opportunité d’aller à
Sochaux en centre de
formation. J’y ai côtoyé de
grands joueurs comme Paille,
Stopyra, Sauzé, ou encore
Sylvestre, avec qui j’ai été
mis en concurrence. Même si
à l’époque, c’était quand
même une sacrée chance
d’évoluer dans ce contexte,
ce milieu reste très dur et
j’ai encore certaines choses
qui me sont arrivées en
travers de la gorge. Il faut
bien le reconnaître, le
monde du football
professionnel est pourri, et
je ne dis pas ça pour
cracher dans la soupe ou
parce que je n’ai pas eu la
chance de percer réellement!
Je ne regrette rien et je
garde d’excellents
souvenirs. Par exemple le
costard «Marithé & François
Girbaud» que je me suis payé
avec ma première paie : la
classe! Sinon, je n’ai
jamais fait ça pour gagner
de l’argent. A vrai dire, ça
ne m’est jamais venu à
l’esprit, surtout à cet âge.
Et même quand par la suite
j’ai obtenu quelques
contrats pro, cela ne m’a
jamais fait vivre. Ce
n’était pas très important.
En revanche, ce qui l’était
pour moi, c’était d’être le
meilleur! Et sans me vanter,
pendant un certain temps, je
n’en étais pas loin, à mon
poste en tout cas, lorsque
je jouais en Equipe de
France Junior! J’ai toujours
joué défenseur, mais je
marquais une quinzaine de
buts par saison. Comment je
faisais ? Les coups-francs!
J’avais une sacrée frappe,
et en plus j’étais précis,
grâce à la répétition lors
des entraînements.
1 Introduction d'un nouveau
design avec des "triades"
donnant l'illusion qu'il est
composé de 12 cercles. Ce
design durera une vingtaine
d'années. Un des ballons les
plus populaires.
◄ Pat (à droite) avec Hervé
Musquère.
J’en
ai fracassé, des gardiens!
Georges Martinez m’a dit un
jour : «Quand t’es devant le
gardien, tue-le! C’est pas
ton père!» Cette phrase m’a
marqué.
Je suis content de la
carrière que j’ai faite, et
je garde de bons souvenirs
de tous les clubs dans
lesquels je suis passé, en
tant que joueur
(Saint-Julien, Thonon,
Sochaux, Cluses…) ou en tant
qu’entraîneur, comme Viry ou
encore Cernex. À l’ES, la
saison de la montée avec la
réserve en première division
reste vraiment mon meilleur
souvenir. Mais aujourd’hui,
le foot ne m’intéresse plus
réellement. J’ai d’autres
occupations, comme le
snowboard ou le vélo, sports
que je pratique beaucoup. De
plus, aujourd’hui j’ai
l’impression que le niveau
du football professionnel
régresse. Certes, le niveau
technique est supérieur,
mais pas la tactique, ni le
physique. On privilégie les
grands gabarits pour les
défenseurs, mais tout ça me
semble trop stéréotypé. Il
n’y a plus assez
d’agressivité, dans le bon
sens du terme, s’entend. On
limite les contacts, et je
crois que ça tue le sport.
Les arbitres sifflent pour
un rien. Je ne parle pas
d’agression, mais par
exemple Messi, personne
n’ose plus le toucher! Et
c’est regrettable, il fait
ce qu’il veut! Je pense
également qu’il n’y a plus
assez de vice. Prenons
l’exemple de la Coupe du
Monde 2006. Lors de la
Finale, Materazzi a été
conspué par la plupart des
Français, mais soyons
lucides : c’est à Zidane
qu’il faut en vouloir!
L’Italien a fait son job, et
c’est grâce à lui que la
Squadra Azzurra remporte
finalement le titre, alors
qu’elle le méritait
largement moins que la
France. C’est ça aussi, le
foot! Materazzi fait
expulser Zidane, égalise à
un partout et marque son
pénalty : c’est lui, l’homme
du match! S’il avait été
français, tout le monde
l’aurai adulé!
C’est pourquoi, à mes yeux,
le meilleur joueur français
de tous les temps reste
Platini, et non Zidane. Il a
quand même obtenu trois
«Ballons d’or» de suite!
Même si, à l’époque, il
n’était décerné qu’aux
joueurs européens, il y
avait de sacrés clients pour
le concurrencer: Rummenigge,
Gullit, Van Basten… pour ne
citer qu’eux. De plus,
Platini était un peu le
pionnier, premier véritable
joueur français à briller à
l’étranger. L’Euro 84 reste
un souvenir important, car
c’est le premier titre que
l’équipe de France remporte
et Platini marque 9 buts en
cinq matchs!!! C’est quand
même exceptionnel! De plus,
lors de son « hat trick »,
en phase de poules contre
les Yougoslaves, il me
semble qu’il marque du pied
droit, du pied gauche et de
la tête : il était très
complet.»
J’me souviens de notre
première rencontre au stade
des Chardons :
Un peu sauvage et bourru, il
m’aurait presque fait peur.
Je me suis dit : «c’est un
ours»! Mais une fois la
glace brisée, Pat, c’est
avant tout la jovialité,
l’enthousiasme, le partage
et la déconne entre amis,
l’ambiance, les plaisirs
simples de la vie, la
nature, les champignons, les
parties de cartes, une bonne
bouffe et une bonne
bouteille.
Football mis à part, voilà
ce que je retiens de son
passage à Cernex. Merci pour
tout ça, Pat!
(R.G.)
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