Chardons Infos 70

Printemps  2012

 

 

 

  Je m’souviens - Patrick Chameaux


C’est avec beaucoup plaisir que je suis allé écouter ce grand joueur de football, qui a officié quelques saisons à l’E.S.C. en tant qu’entraîneur.


Si Pat s’est aujourd’hui éloigné de son sport de cœur, il n’en reste pas moins un grand passionné qui m’a tenu en haleine pendant plusieurs heures. C’est donc avec intérêt que je vous retranscris ici une infime partie de ses propos concernant sa carrière de footballeur.


«J’ai commencé le foot vers 6 ans, mais mon premier souvenir marquant date de la Coupe du Monde 78 en Argentine. Quand tu vois ça à la télé, c’est un rêve. En plus, mes parents m’avaient acheté un ballon Tango1 , à l’effigie de cette compétition. Lors des phases de poules, j’ai trouvé l’élimination de la France contre l’Argentine injuste, car ils avaient vraiment fait un bon match. Avec le recul, je pense que l’Argentine méritait d’être championne du monde, malgré le contexte controversé.


Mon meilleur souvenir de footballeur reste sans hésiter les Coupes Interdistrict, lorsque j’étais en Pupilles, Minimes et Cadets. On gagnait tout! Avec la sélection des joueurs les plus doués du département, comme Hervé Musquère, on affrontait les meilleures équipes de la région Rhône-Alpes. Des grandes villes, et des équipes prestigieuses, donc, comme Lyon ou Saint-Etienne. Alors que je jouais en club à Saint-Julien puis Thonon, c’était mon maillot contre celui des autres départements! Et ceux qui nous traitaient de bouseux ou de pécores (car à l’époque, il n’y avait pas grand-chose dans les environs) n’étaient pas nombreux à repartir avec le sourire après le match!


Après le sport-étude à Thonon, j’ai eu l’opportunité d’aller à Sochaux en centre de formation. J’y ai côtoyé de grands joueurs comme Paille, Stopyra, Sauzé, ou encore Sylvestre, avec qui j’ai été mis en concurrence. Même si à l’époque, c’était quand même une sacrée chance d’évoluer dans ce contexte, ce milieu reste très dur et j’ai encore certaines choses qui me sont arrivées en travers de la gorge. Il faut bien le reconnaître, le monde du football professionnel est pourri, et je ne dis pas ça pour cracher dans la soupe ou parce que je n’ai pas eu la chance de percer réellement! Je ne regrette rien et je garde d’excellents souvenirs. Par exemple le costard «Marithé & François Girbaud» que je me suis payé avec ma première paie : la classe! Sinon, je n’ai jamais fait ça pour gagner de l’argent. A vrai dire, ça ne m’est jamais venu à l’esprit, surtout à cet âge. Et même quand par la suite j’ai obtenu quelques contrats pro, cela ne m’a jamais fait vivre. Ce n’était pas très important. En revanche, ce qui l’était pour moi, c’était d’être le meilleur! Et sans me vanter, pendant un certain temps, je n’en étais pas loin, à mon poste en tout cas, lorsque je jouais en Equipe de France Junior! J’ai toujours joué défenseur, mais je marquais une quinzaine de buts par saison. Comment je faisais ? Les coups-francs! J’avais une sacrée frappe, et en plus j’étais précis, grâce à la répétition lors des entraînements.


1 Introduction d'un nouveau design avec des "triades" donnant l'illusion qu'il est composé de 12 cercles. Ce design durera une vingtaine d'années. Un des ballons les plus populaires.

 


 

 

 

◄ Pat (à droite) avec Hervé Musquère.

 

 

 

 


J’en ai fracassé, des gardiens! Georges Martinez m’a dit un jour : «Quand t’es devant le gardien, tue-le! C’est pas ton père!» Cette phrase m’a marqué.
Je suis content de la carrière que j’ai faite, et je garde de bons souvenirs de tous les clubs dans lesquels je suis passé, en tant que joueur (Saint-Julien, Thonon, Sochaux, Cluses…) ou en tant qu’entraîneur, comme Viry ou encore Cernex. À l’ES, la saison de la montée avec la réserve en première division reste vraiment mon meilleur souvenir. Mais aujourd’hui, le foot ne m’intéresse plus réellement. J’ai d’autres occupations, comme le snowboard ou le vélo, sports que je pratique beaucoup. De plus, aujourd’hui j’ai l’impression que le niveau du football professionnel régresse. Certes, le niveau technique est supérieur, mais pas la tactique, ni le physique. On privilégie les grands gabarits pour les défenseurs, mais tout ça me semble trop stéréotypé. Il n’y a plus assez d’agressivité, dans le bon sens du terme, s’entend. On limite les contacts, et je crois que ça tue le sport. Les arbitres sifflent pour un rien. Je ne parle pas d’agression, mais par exemple Messi, personne n’ose plus le toucher! Et c’est regrettable, il fait ce qu’il veut! Je pense également qu’il n’y a plus assez de vice. Prenons l’exemple de la Coupe du Monde 2006. Lors de la Finale, Materazzi a été conspué par la plupart des Français, mais soyons lucides : c’est à Zidane qu’il faut en vouloir! L’Italien a fait son job, et c’est grâce à lui que la Squadra Azzurra remporte finalement le titre, alors qu’elle le méritait largement moins que la France. C’est ça aussi, le foot! Materazzi fait expulser Zidane, égalise à un partout et marque son pénalty : c’est lui, l’homme du match! S’il avait été français, tout le monde l’aurai adulé!


C’est pourquoi, à mes yeux, le meilleur joueur français de tous les temps reste Platini, et non Zidane. Il a quand même obtenu trois «Ballons d’or» de suite! Même si, à l’époque, il n’était décerné qu’aux joueurs européens, il y avait de sacrés clients pour le concurrencer: Rummenigge, Gullit, Van Basten… pour ne citer qu’eux. De plus, Platini était un peu le pionnier, premier véritable joueur français à briller à l’étranger. L’Euro 84 reste un souvenir important, car c’est le premier titre que l’équipe de France remporte et Platini marque 9 buts en cinq matchs!!! C’est quand même exceptionnel! De plus, lors de son « hat trick », en phase de poules contre les Yougoslaves, il me semble qu’il marque du pied droit, du pied gauche et de la tête : il était très complet.»


J’me souviens de notre première rencontre au stade des Chardons :


Un peu sauvage et bourru, il m’aurait presque fait peur. Je me suis dit : «c’est un ours»! Mais une fois la glace brisée, Pat, c’est avant tout la jovialité, l’enthousiasme, le partage et la déconne entre amis, l’ambiance, les plaisirs simples de la vie, la nature, les champignons, les parties de cartes, une bonne bouffe et une bonne bouteille.


Football mis à part, voilà ce que je retiens de son passage à Cernex. Merci pour tout ça, Pat!


(R.G.)

 

     
     

 

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