Maudit
gardien !
Des aventures sur le terrain, je ne me souviens de rien. Si ce
n'est des mauvais moments. C'est la rançon des gardiens qui ont
osé narguer les buteurs car ce sont eux les vrais héros du
football. Le gardien de but est souvent un pion ridicule sur
l'échiquier du terrain de foot. Ses aventures, si elles tendent
parfois à l'épique, se terminent toujours en eau de boudin.
Gordon Banks face à Pelé en 1970 avait élevé le gardien à
l'échelle des dieux du football, mais il lui en a coûté car il a
été blessé aussitôt après. Barthez a touché le fond en crachant
sur un arbitre et en se faisant expulser en finale de Coupe
d'Europe. Higuita a relancé l'orgueil des gardiens en se servant
de manière inattendue de ses pieds contre l'Angleterre, mais il
a fini par être vengé par Roger Milla. Grégory Coupet a l'air
trop sûr de lui pour ne pas être le prochain sur la liste des
gardiens à déchoir. On ne nargue pas impunément les dieux du
stade en censurant leurs exploits. Le gardien est maudit, il
sera toujours hanté par les crimes qu'il a commis tandis que la
mémoire de ses exploits se sera échappée par quelques trous du
filet.
La dualité du gardien : parfois héros, souvent passoire...
Pour conjurer le sort qui s'acharne sur les gardiens, on peut
tenter quelque explication... Les bons moments se déroulent trop
vite pour s'en souvenir. Ils sont conduits par le cerveau droit,
celui de la création et de l'intuition, qui se moque comme d'une
guigne de la mémoire. Que les amateurs de cinéma le sachent une
fois pour toutes, cela ne se passe pas du tout comme dans les
films américains. Au ralenti, on y voit, pendant de longues
minutes, la balle fendre l'air au son d'une musique pompeuse et
grandiloquente pendant que les protagonistes, le regard rivé sur
la balle, font des mimiques crispées et extatiques. L'exploit ou
le beau geste se réalise comme dans un trou noir. Les mauvais
moments, lorsque le joueur est à côté de la plaque, sont dictés
par le cerveau gauche. Celui de l'analyse et de la réflexion,
provoquant toujours un temps de retard dans l'action. De
ceux-là, on se souvient comme si c'était hier. Je me souviens,
face à Cran-Gevrier, du faux rebond d'un ballon sans danger,
digne de vidéo-gag, qui, sous l'oeil désolé de Lili, nous coûta
le match, alors que celui-ci semblait à portée de mains. Pire
encore, il m'est arrivé même de "péter les plombs" devant un
arbitre qui commettait, horreur absolue, l'injustice d'accorder
un but qui n'était pas rentré, ou face à un coéquipier contre
lequel, comble de la honte, je m'engueulai injustement. Les
balles qui se faufilent entre les jambes, les contres où le
ballon rentre piteusement dans la cage, détruisant l'effort vain
des autres partenaires, sont légion dans l'histoire du gardien.
Les consolations du gardien
Je ne crois pas que la place de gardien, trop instable, soit de
celles où l'on puisse avoir quelque espoir de paraître à son
avantage avant d'entreprendre une cour effrénée à la jeune femme
de ses rêves. Heureusement, dans le fond, que les femmes se
moquent de nos exploits sportifs! A Cernex, quels que soient les
matchs, la présence des femmes de joueurs est fréquente sur le
bord du terrain, nous apportant un peu de sourire, et nous
évitant de prendre le jeu trop au sérieux.
La vie nous rendrait-elle les souvenirs à l'inverse?
Le quotidien n'est pas comme un terrain de football. Ainsi, il
est possible de garder le souvenir des bons moments, tandis que
les mauvais souvenirs, heureusement, s'étiolent. Les années
passées au club furent les plus difficiles de ma vie. Mais, à
travers le football, j'ai pu bénéficier de la plus grande
solidarité du club et de ses dirigeants. J'ai passé environ sept
ans à L'E.S. Cernex, et au cours de ces années, j'ai connu parmi
mes meilleurs moments au sein du club. J'ai participé avec joie
à nombre d'entraînements et de matchs en équipe senior II ou III.
Je conserve un souvenir ému de cette belle lumière qui baigne le
stade de Copponex en fin d'après-midi, des repas que nous
faisions après l'entraînement et des multiples troisièmes
mi-temps. Je n'oublie pas et n'oublierai jamais des gens comme
Louis Vigne, le président Claude Philippe, ou Sébastien Cusin,
qui continuent à donner une âme à ce petit club si fort de ses
valeurs. Chaque fois que j'ai demandé quelque chose, les
dirigeants du club me l'ont accordé avec une grande générosité. |